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Avec le plasticien Julien Creuzet, Venise commence en Martinique

Du Diamant, commune du sud de la Martinique, aux Giardini vénitiens, il n’y a qu’un pas, la mer et quelques milliers de kilomètres. Alors que la France est représentée pour la première fois par un artiste franco-caribéen à la Biennale de Venise, c’est aussi la première fois qu’un artiste décentralise les annonces sur son projet hors de l’Hexagone. Il y avait bien eu le précédent Zineb Sedira, en 2022, qui avait choisi d’organiser la rituelle conférence de presse non pas à Paris, mais dans le cinéma de son enfance, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). L’univers du cinéma était au cœur de sa proposition, comme la Martinique est au cœur de celle de Julien Creuzet qui, sitôt né au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), il y a trente-sept ans, avait fait le voyage jusqu’ici.
« Est-ce que vous entendez la mer ? », scande l’artiste devant ses visiteurs, une petite délégation arrivée du monde entier, le 5 février, avec les représentants de l’Institut français, opérateur du pavillon, en les accueillant assis dans l’herbe sur le saisissant site du Cap 110, mémorial consacré à l’esclavage en surplomb de la mer des Caraïbes, et face au rocher singulier, émergeant de l’eau, qui donne son nom à la commune du Diamant. Visière-casquette en cuir vissée sur la tête, d’où s’échappe une masse de dreadlocks coiffée en arabesque, et coutelas en main, objet qui fut à la fois un outil dans les champs de canne et une arme, et qui se mue en sculpture symbolique entre ses mains.
Le bruit de ressac accompagne la lecture au micro d’un poème, d’un montage de textes par la jeune écrivaine réunionnaise Estelle Coppolani, et la diffusion d’un morceau « posthume et chimérique » à la trompette de Jacques Coursil (1938-2020) par Grégory Privat. Un moment de grâce auquel se joignent quelques promeneurs intrigués.
Creuzet est plasticien et poète, l’un ne va pas sans l’autre. Et c’est depuis la maison et le jardin d’un poète, l’illustre penseur du « Tout-monde », Edouard Glissant (1928-2011), que l’artiste a choisi d’organiser sa conférence de presse, retransmise en direct sur le site de l’Institut français. C’est tout simplement là que l’artiste est en résidence en compagnie de ses deux commissaires, Céline Kopp, directrice du Magasin, à Grenoble, et Cindy Sissokho, commissaire à la Wellcome Collection de Londres, le trio ayant officiellement inauguré l’Edouard Glissant Art Fund. Jusqu’ici privée, la maison sera désormais ouverte à des artistes et chercheurs en résidence, avec le projet à plus long terme de la création d’un centre d’art adjacent.
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